"Suivre les pérégrinations de personnages sur le globe ou voyager avec eux dans leur monde intérieur pour peut-être mieux se connaître soi-même..."

lundi 3 mars 2014

Le soleil des Scorta - Laurent GAUDE

 
Laurent Gaudé
Editions Actes Sud - Collector Babel
ISBN: 978-2-330-02495-6
Prix Goncourt 2004

Présentation de l'éditeur:

Sous le soleil écrasant du Sud italien, le sang des Scorta transmet, de père en fils, l'orgueil indomptable, la démence et la rage de vivre de ceux qui, seuls, défient un destin retors. 


Femmes de lettres:


Les premières pages s'ouvrent sur la lente et pénible ascension d'un homme à dos d'âne en pleine canicule. Cet ancien malfrat local revient au village de Montepuccio pour posséder celle qui a hanté ses jours et ses nuits en prison. De cet événement naîtra la lignée des Scorta,  engendrée par cet homme sur un fond de malentendu et de malheur. Il disparaîtra laissant derrière lui son nom maudit.

Rocco, Domenico, Giuseppe, Carmela, Elia..., tous ses descendants, se frotteront à la rudesse d'une vie qui ne leur fera aucun cadeau. Les confessions des personnages aux prêtres qui se succèderont dans le village avec les années permettront au lecteur d'apprendre les secrets les plus sombres des membres de la lignée . Toute leur vie, les Scorta n'auront de cesse de lutter avec ténacité contre la malédiction de cette terre qui refuse de les laisse partir. Ils chercheront le bonheur avec un brin de folie parfois et une obstination digne de l' âne qui grimpait la colline rocailleuse sous un soleil de plomb.
C'est un roman aussi puissant que le soleil des Pouilles, un livre magnifique qui mérite qu'on reparle de lui même des années après sa parution...
Un très gros coup de cœur!

 

mercredi 28 août 2013

L'homme de Marmara - Olivier Bass



Olivier Bass
Editions La découvrance
ISBN: 978-2842657208


Présentation de l'éditeur:
Lorsqu’ils retrouvent la Mare Nostrum après cinq mois d’un périple autour du monde, les marins du Cévennes ont le sentiment de se rapprocher enfin de leurs foyers. Hélas, le navire est dérouté vers Istanbul où il doit impérativement faire escale.
Au même moment, loin du Cévennes qui poursuit sa course dans la mer Égée, à deux cents milles nautiques par-delà les montagnes qui marquent la frontière entre la Grèce et la Turquie, un homme seul, au large de toute terre, se bat désespérément contre la noyade dans la mer de Marmara.
Ce dernier sera repêché et caché à bord du cargo français. Et tandis que ses souvenirs referont peu à peu surface, l’équipage du Cévennes tentera de percer le mystère de son histoire.
Femme de lettres:

Le titre avait attisé ma curiosité. Sans hésitation, j'ai donc entamé ce roman pour savoir qui était ce mystérieux homme de Marmara.
J'ai plongé dans le monde de la marine pendant toute la première partie du livre... Guidée par l'auteur, j'ai  découvert l'univers masculin et rude des gens de mer et le mal du pays ressenti par l'équipage après des mois de navigation.  Les descriptions d'Olivier Bass sont vivantes et réalistes et m'ont donné l'impression d'être à bord du cargo .
Jusqu'à la découverte de cet homme à la mer. Un homme repêché discrètement par ces marins français alors qu'une agitation certaine règne sur la côte turque.

Ce réalisme maritime qui occupe largement les premières pages reste présent au fil du livre. Mais dans la seconde partie, il sert de toile de fond à l'intrigue, ménageant une place importante à une écriture plus romanesque, pleines de péripéties historiques et politiques.

Pour autant, la transition est très habilement menée. On passe avec facilité du point de vue de l'équipage qui s'interroge, s'inquiète pour ce rescapé inconnu ( tout en  continuant à gérer les contingences matérielles du bateau) au point de vue de cet homme , qui revient peu à peu à la vie, comme on sort du fond d'un puits, tracté par des bribes de souvenirs de sa vie dans le Caucase.
Cette construction littéraire à deux voix m'a beaucoup plu.

Après une chute pleine de sagesse, j'ai refermé ce roman avec la sensation d'avoir lu un très bon livre.
Vous l'aurez compris, L'homme de Marmara est un roman qui m'a conquise...

mercredi 21 août 2013

Lucia Antonia, funambule - Daniel MORVAN


 
Daniel Morvan
Editions Zulma
                                                            ISBN 978-2-84304-647-6
                                                                

La présentation de l'éditeur :
 
C’est depuis une presqu’île radieuse où le vent étincelle que Lucia Antonia consigne sur de petits carnets, par courts fragments frémissants, sa vie présente et passée. Endeuillée par la chute de sa partenaire funambule, son double lumineux, la merveilleuse Arthénice, Lucia Antonia a dû quitter le petit cirque fondé par son arrière-grand-père Alcibiade.
Comme suspendue entre deux mondes, entre le ciel et la terre, les vivants et les morts, dans les miroirs des salines, elle fait la rencontre d’Eugénie et Astrée, les réfugiées magnifiques, d’un garçon voilier, qui goûte le vin et tend le fil, et d’un artiste peintre, propriétaire de l’ancien moulin, qui semble vouloir ressusciter l’image brisée d’Arthénice…
Daniel Morvan nous offre un roman touché par la grâce, le roman des jumelles funambules où, comme au cirque, presque tout appartient à l’inquiète rêverie et au merveilleux.
Un enchantement de lecture.



Femme de lettres :

De prime abord, j'ai pensé «  C'est un bien un bien étrange livre que je tiens là entre les mains ». Une couverture rayée comme une toile de chaise longue, qui ne laisse rien transparaître du contenu de l'ouvrage. Des premières pages un peu énigmatiques avec des chapitres extrêmement courts qui me semblaient décousus. Et malgré tout, l'envie de poursuivre pour voir où m'emmènerait cette lecture. Alors j'ai persisté et je ne regrette rien. Tout en douceur, je suis entrée dans ce roman très aérien.

Daniel Morvan nous livre là le journal de bord d'une détresse. Celle de Lucia Antonia, une jeune artiste de cirque qui a perdu sa partenaire de numéro, son double. Elle est ballottée entre la culpabilité d'être encore vivante et l'envie de remonter sur le fil pour se rapprocher d'Arthénice, la disparue. Malgré le deuil si pesant et l'absence si présente dans le quotidien de Lucia Antonia, l'auteur retranscrit avec grâce et élégance la légèreté du funambule là-haut sur son fil et l'espoir qui renaît peu à peu.

La poésie distillée tout au long des pages est sobre et m'a beaucoup touchée. Ce livre à la facture si particulière m'a fait aussi découvrir la vie de roulotte . Un voyage avec des saltimbanques, un voyage sur un fil tendu entre deux mâts, un voyage nostalgique dans les souvenirs, un très beau voyage...

vendredi 2 août 2013

Seconde vie - Valérie Merle



                                                             Valérie Merle
                                               Editions des papillons de Charcot

                                                   ISBN 978-2-9536890-6-8

Présentation de l'éditeur:

Valérie Merle a trente-cinq ans quand elle apprend qu’elle est atteinte de Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA ou Maladie de Charcot). En un instant, sa vie bascule.
Seconde Vie est certes un témoignage sur la SLA, mais aussi une réflexion sur le regard : regard d’un être aspiré dans la dépendance, chargé d’humour parfois, faisant entendre la différence, les divergences de points de vue.
Divergences, curiosités des regards, entre sa propre perception et celle de ceux qui, de plus en plus nombreux, la dépendance croissant, appréhendent cette frontière pourtant si ténue entre les « à pied » et les « à roues ».
Refus de l’apitoiement, humour et silence, au sens musical du terme – rien de plus explicite que ces courts chapitres permettant d’appréhender de simples moments de participation au monde, ceux-là même dont nous autres, les « àpied », avons perdu la saveur.
Une réflexion sur la présence à l’autre et la présence au monde qui nous ramène à l’essentiel. L’essentiel étant alors une forme d’innocence, et de pureté.

Le livre est désormais en vente avec un enregistrement audio, lu par l'actrice Alix Bénézech qui l'a fait bénévolement.
Pour en savoir plus sur la SLA et les éditions des papillons de Charcot: http://www.lespapillonsdecharcot.com/actualites/les-editions-papillons/


Femme de lettres:

Par hasard. Voilà comment j'ai découvert Seconde vie .Un beau matin , j'ai reçu un colis d'un éditeur contenant un ouvrage dont je n'avais jamais entendu parler.
Tiens, l'auteur s'appelle Valérie comme moi. Tiens, elle écrit des livres comme moi. Tiens, elle est enseignante comme moi. Trois points communs qui m'ont fait sourire. Alors j'ai ouvert ce livre et je ne l'ai plus quitté jusqu'à la dernière page.

Par hasard. C'est aussi comme cela que Valérie Merle  a découvert sa maladie. Elle s'y attendait aussi peu que je m'attendais à un tel livre. Mais la différence est de taille...Son livre m'a remuée et émue. Je peux le reposer si je le souhaite. Sa maladie, la SLA ou maladie de Charcot, elle, lui colle à la peau pour toujours. Elle a bouleversé son existence en la faisant basculer d'une vie normale à une autre vie, cette seconde vie.

Valérie nous livre des moments de son quotidien dans des chapitres parfois très brefs. C'est si justement écrit que j''ai eu l'impression d'être à sa place. L''impression simplement car aucun valide ne peut prétendre être à sa place évidemment.
 J'ai vécu par procuration ses premières chutes, le diagnostic, la diminution de ses capacités physiques et son entrée dans la dépendance. J'ai aussi découvert ou redécouvert la différence de point de vue entre le monde des valides et le monde des handicapés cloués à leur fauteuil.

Valérie Merle n'a rien manifestement rien perdu de ses capacités de réflexion et de décision. Et elle m'a donné à réfléchir. Malgré tous les obstacles, elle essaie de s'approprier sa seconde vie, aussi difficile soit-elle. Cela m'a rappelé à l'ordre : quand on est valide, on n'a pas le droit de ne pas profiter de la vie. On  a beau le savoir, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal.

Seconde vie est le journal intime d'une descente aux enfers progressive mais inexorable. Pourtant, le  style n'est jamais larmoyant. Il reste léger malgré la gravité de la situation. Tout est dit et ce, avec une dignité incroyable. C'en est bouleversant.
Une  grande leçon de vie... Un livre à lire d'urgence...


samedi 6 juillet 2013

Voyages

Tout au long de l'été, Femme de lettres vous emmènera en voyage. Pour être informés de la parution d'une nouvelle chronique, vous avez la possibilité de vous abonner au blog ou d'être prévenus par mail de son actualisation.
A très vite pour une nouvelle chronique!

dimanche 30 juin 2013

Certaines n'avaient jamais vu la mer - Julie OTSUKA

 
Editions Phébus
ISBN: 978-2-7529-0670-0
Prix Fémina étranger 2012
 

Présentation de l'éditeur:

     Japon, 1919. Un bateau quitte l’Empire du Levant avec à son bord plusieurs dizaines de jeunes femmes promises à des Japonais travaillant aux États-Unis, toutes mariées par procuration. À la façon d’un chœur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d’exilées... leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, l’humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur
patrimoine et de leur histoire... Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre. Et l'oubli.

Femme de lettres:

Des jeunes filles japonaises issues pour la plupart  de la campagne partent rejoindre un fiancé  dont elles ne connaissent quasiment que la photo: celle d'un homme nippon élégamment vêtu à l'occidentale qui vit déjà sur le territoire américain.

Dès les premières pages, Julie Otsuka nous livre un style littéraire précis, détaillé au point qu'on a l'impression d'embarquer  avec ces jeunes vierges. Pour le meilleur et pour le pire...

On partage leur épouvantable traversée en bateau et les mille questions qu' elles se posent avec inquiétude ou espoir  sur leur vie future. A l'arrivée sur le quai,  on comprend vite à quel point elles se sont faites flouer par les beaux hommes des portraits. Ils se révèlent  beaucoup moins charmants et leurs conditions sociales bien moins attrayantes que celles annoncées.

Au fil du livre, Julie Otsuka nous liste ce qui se passe en parallèle dans l'existence misérable de toutes ces exilées. A chacun de leurs combats, on sait ce qui se passe pour les unes et pour les autres. Au final, cette accumulation donne l'impression forte d'un  témoignage de vie.

En tant que femme, on se sent presque solidaire de ces femmes d'un autre monde et d'une autre époque. Chaque étape de leur quotidien est dépeinte avec un réalisme presque photographique. Et pourtant, il se dégage de ce texte une certaine poésie. Une certaine grâce laissée par ces femmes avant qu'elles ne disparaissent...

Un peu décontenancée au départ par ces listes récurrentes , je dois avouer   que j'ai finalement beaucoup aimé ce livre qui m'a transportée le temps d'une lecture dans ce pan peu connu de l'histoire japonaise.
 

mercredi 26 juin 2013



Rendez-vous le 1er juillet pour la mise en ligne de la première chronique...